Claudette passe sa tendre enfance à Montréal. L’immensité canadienne l’encourage à ne se fixer aucune barrière limitante. Une conviction alimentée par des parents haïtiens, dont la jeune femme hérite d’une certaine idée de la femme : une figure maternelle forte, pilier de la famille.

 

Elle rencontre Fanny à Vancouver et les deux jeunes femmes nouent une amitié franco-canadienne durable dans cette ville cosmopolite. Claudette travaille alors pour The Elizabeth Fry Society, une organisation communautaire qui vient en aide aux femmes défavorisées passées par le milieu carcéral ou le côtoyant dangereusement. Sept années durant lesquelles la santé et plus généralement la cause des femmes deviendra la règle élémentaire de sa vie professionnelle.

 

En 2016, Claudette s’envole à Paris parfaire son cursus académique et se frotter aux politiques publiques à Sciences po. Elle retrouve avec joie Fanny,  revenue dans son pays natal. Les deux jeunes femmes souhaitent offrir à leur amitié bien plus que des rires partagés. Mué par une volonté farouche d’aider les femmes d’une manière ou d’une autre, le duo se penche sur les contraintes féminines en présence.

 

Leur yeux se posent sur un reportage consacré à la composition des protections hygiéniques. Nous sommes en 2017, et le sujet est aussi complexe qu’il est tabou. Alors que la nourriture et la mode doivent, face à la pression publique, faire place à plus de transparence, l’hygiène intime est encore dispensée de tendre vers moins d’opacité. Aucune revendication ne se risque en effet à franchir les portes des salles de bain. Claudette et Fanny ont pourtant l’intuition d’être aux prémisses d’une petite révolution et souhaitent la confirmer. Elles lancent alors un sondage sur les réseaux sociaux. 

Une bouteille à la mer qui devient raz-de-marée : en moins de quarante-huit heures, plus de trois mille femmes se confient à cœur ouvert sur leurs cycles intimes. Leur sang ne fait qu’un tour face à ce résultat atterrant. Près de sept femmes sur dix ont confessé leur inconfort, leurs inquiétudes pour leur santé et préoccupations pour la planète.

Un coup de sang qui fait rapidement place au coup d’après. Car Claudette semble avoir hérité de cet état d’esprit américain, culotté vu de nos yeux d’européens mais naturel dans ce nouveau monde qui encense la prise de risque et la liberté d’entreprendre.

Le duo, armé d’une poignée d’euros, d’une machine à coudre et de beaucoup d’huile de coude, développe fin 2017 le premier prototype d’une culotte  menstruelle lavable, sans nanoparticules d’argent ni produits chimiques. Un premier échantillon rudimentaire mais à l’élaboration pour le moins élémentaire. Sous l’apparence d’une culotte classique, elle est composée de trois couches : une doublure en coton, une partie absorbante en bambou, et une dernière imperméable et respirante. Claudette propose à une centaine de femmes ayant répondu quelques mois plus tôt au questionnaire de la tester pour améliorer cette version bêta. Après des échanges réguliers, la version finale sort dans les règles de l’art en mars 2018.

 

Entre-temps, la règle d’or n’est plus au silence. Les femmes observent le réveil d’un marché amorphe, contraint de laver son linge sale après plusieurs controverses sur les protection intimes jetables. La déculottée sera cinglante.

Fempo voit ainsi le jour. Un nom à la consonnance toute particulière : née de la contraction des mots « femme » et « pouvoir », Fempo entend accompagner les femmes dans la réappropriation, la compréhension et l’acceptation de leurs corps. Une protection rapprochée pour ainsi gagner en confiance et puissance.

La sororité est déferlante. L’alternative Fempo se chuchote dans les soirées entre copines et passent de bouches convaincues à oreilles attentives. Le flux de ventes augmente continuellement, tout comme les modèles de la jeune marque qui s’étoffe après s’être entourée d’une modéliste.

Depuis la première culotte Fempo, de nombreuses jeunes marques se sont engouffrées dans la brèche ouverte par Claudette. Des acteurs historiques de la lingerie ont tout récemment embrassé le sujet, et se lancent eux-aussi dans la course, preuve que les règles jusqu’à présent dominantes sont en train de changer….

 

Crédit photos : Fempo