Alors haute comme trois pommes, la jeune Clémentine clamait déjà vouloir être tour à tour magicienne, institutrice, avocate ou encore comédienne. Autant de métiers que les cases de sa marelle, mais déjà une certitude, le ciel de cette jeune caennaise sera un jour Paris.

Clémentine presse son imagination avec une licence de médiation culturelle. Elle ouvre la deuxième décennie de sa jeune vie en s’installant dans la ville Lumière et termine ainsi ses études avec un master de communication et journaliste. L’étudiante multiplie les stages pour faire germer le métier de journaliste en elle. Sa vie professionnelle va prendre un goût acidulé au gré de rencontres décisives.

La première à croiser son chemin est la rédactrice en chef mode de l’Express Style. Une femme de cœur qui, sous la pluie d’invitations à parcourir le tout Paris, confie à Clémentine le soin de se rendre à quelques défilés. Sous les projecteurs, elle rencontre d’un photographe qui l’encourage à embrasser une carrière de mannequin. Son profil de « fille d’à côté » séduit les marques, en quête d’authenticité. Elle prête ainsi ses traits à des maisons et créateurs qu’elle admire, Givenchy, Castelbajac ou encore Hermès. Mais entre deux crépitements de flashs, Clémentine se surprend à interroger sa légitimité, au regard d’autres modèles en vogue. Des rêves d’évasion s’immiscent sous son sourire figé et la jeune femme finit par sortir du cadre. La rencontre suivante est toute trouvée : elle demande à son compagnon DJ, de l’initier à cet art nouveau pour elle. Passées les premier temps à dompter le vinyl, ses paumes se plaisent à rudoyer la table de mixage. Les scratchs de cette brune aux platines séduisent, mais c’est un producteur de télé qui vient en 2013 électriser à nouveau ses envies d’investigation.

Elle se voit offrir sur un plateau le poste de chroniqueuse pour Clique, la future émission culturelle de Canal + animée par Mouloud Achour. Au grès des numéros, elle décode très rapidement que son minois a davantage été convié que sa mine. Elle profite de la fin d’année pour défaire sa chaîne, sans rancune aucune. Les lumières s’éteignent alors brusquement, la laissant sans l’ombre d’une activité professionnelle. Ce clair-obscur imposé prend une noirceur supplémentaire en 2014 avec le décès de sa grand-mère atteinte de la maladie d’Alzheimer. Pour faire son deuil, Clémentine ressent le besoin de mettre en lumière cette maladie, avec légèreté. Elle imagine un carnet de coloriage dont les fonds seraient reversés intégralement à l’association France Alzheimer. Elle contacte pour cela de nombreux artistes pour le noircir de dessins. David Lynch, Charlotte Lebon, Castelbajac, ou encore Cœur de Pirate, tous acceptent. Ses doutes s’atrophient et sa confiance en elle reprend des couleurs.

Après une nouvelle rencontre, Clémentine se voit confier les clés d’un petit local dont les rideaux viennent de se baisser. Encouragée par ses proches, elle imagine entre ces murs un coffee shop mais cherche encore le petit grain de folie à lui apporter.

Elle découvre alors le concept des cafés fleurs au Canada, au Japon ou encore aux Pays-Bas et l’idée d’ouvrir le premier en France pollinise son esprit. Peonies devient son fleuron. Elle s’attèle seule au concept, au business plan mais s’entoure d’un ami pour l’identité graphique et d’une architecte pour creuser les racines solides de ce projet. Consciente d’être néophyte en la matière, Clémentine fait une formation en art floral et en café de spécialité pour manier avec aisance le percolateur à la source du fameux or noir

Après des mois de dur labeur, c’est le rose aux joues qu’elle ouvre pour la première fois les portes de son café, Peonies*, le 15 octobre 2016. Dans ce nouvel écrin parisien, l’arôme du café vient se mêler à celui des fleurs, pour offrir à tout visiteur un poids de senteur enivrant. Tour à tour belle-de-nuit au marché de Rungis que dame-d’onze-heures pour servir le jus noir d’avant midi, Clémentine se plaît à étirer une énergie aux apparences d’immortelle. Les années caféinées défilent ainsi dans ce troquet-bouquet. Un jardin plus si secret, tant ses créations florales et douceurs sucrées ravisent pupilles et papilles des badauds charmés.

2020 sera bordée de ronces. La fermeture forcée des bars et cafés est une première épine dans le pied de la jeune femme, qui voit malgré tout clair dans son iris. Son café était le premier bourgeon de son grand projet, le deuxième ayant fleuri en 2018 avec la création du Peonies Studio pour les mariages et événements bucoliques. Alors que beaucoup dans la profession boivent la tasse avec une amertume bien légitime, Clémentine voit la sienne à moitié pleine. Le cerveau de la jeune femme est un terreau fertile d’où naissent de nombreuses envies. Elle prend la décision de fermer les portes de son café, sans regret. Elle ouvre une parenthèse personnelle pour profiter de son petit garçon tout en se consacrant au troisième bourgeon en cours de floraison, Peonies School and Garden, une école florale en province pour les jeunes gens en fleurs ou à la fleur de l’âge. Une ouverture espérée au printemps, signe qu’il s’agit bien d’une renaissance. La saison où la nature se réveille engourdie d’un long sommeil…. qui aura duré presque tout 2020.

*Pivoines en anglais

Crédit photos : Pauline Darley (portraits 1 et 2), Nicolas Romain Ricard (portrait 2), et Peonies