En jetant par-delà notre épaule un regard furtif, on pourrait penser à première vue que nos vies possèdent l’éclat nécessaire à notre épanouissement. Mais parfois, le vernis s’écaille, laissant apparaître une réalité moins ardente. Il est alors peut-être sage d’ouvrir nos paumes et d’y regarder les autres lignes de vie qui s’y dessinent. Portrait d’Elise, co-fondatrice de Rouge à ongles.

Le baccalauréat en main, Elise troque ses plages normandes pour les pavés parisiens et entre à l’EFAP, l’école des attachés de presse. Elle y apprend sur le bout des doigts les fondamentaux de la communication et en sort diplômée en 2009, dans un pays encore tout contusionné par une crise financière dévastatrice.

La jeune femme porte malgré tout en elle l’insouciance de sa jeunesse. Elle s’abstient de tout fatalisme et observe le verre à moitié plein. Elle sera barmaid pendant deux ans avant de se détourner des brèves de comptoir. Elise reprend le chemin de la création et entre dans le milieu de la production et de l’audiovisuel, cocktail pimenté, avant de pousser les portes d’une agence de communication digitale, en charge des contenus numériques.

Les mois deviennent des années et son goût de liberté finit par crever l’écran. Alors, quand la communication s’avère rompue après huit ans d’une vie salariée, Elise fonde sa propre agence spécialisée dans le domaine de la beauté, et touche ainsi du doigt son rêve d’indépendance. Avec Supernature, elle s’attache à donner du sens à la beauté, à la détourner de la notion de futilité qui lui colle injustement à la peau pour la faire intensément rimer à celle d’utilité bien démontrée.

Une idée flash crépite dans son cerveau entre deux prises de vue, celle de créer une campagne en langue des signes autour d’un produit de beauté. N’arrivant pas à mettre la main sur cette fameuse marque éthique et engagée qui pourrait, pour la beauté du geste, donner vie à cette campagne, Elise décide tout simplement de la créer.

A bien y regarder, l’idée se trouve à portée de main. Elise pose son regard sur l’émail de ses doigts, un enduit qui cache sous sa brillance miroitante une composition bien moins reluisante. Les vernis à ongles sont en effet les produits cosmétiques les plus utilisés par les femmes mais aussi les plus controversés, tant pour leur impact sur la santé que sur l’environnement.

Se mordant les doigts face à ce constat, Elise décide de prendre les choses en mains. Il nous faut toujours prêter une oreille attentive aux signes. Alors, quand elle fait la rencontre de Louise, malentendante, à l’été 2019, Elise comprend qu’il n’y a jamais de hasard, seulement des rendez-vous…  Le projet prend alors une chaleur nouvelle sous leurs quatre mains. Louise lui ouvre les yeux sur le problème de l’accès à l’emploi des personnes malentendantes. Sans détourner le regard sur cette triste réalité, Elise se promet de donner plus qu’un coup de pouce à ces femmes, et de placer l’inclusion au cœur du projet.

Le duo trouve un laboratoire français pour fabriquer ses vernis biosourcés et met d’emblée à l’index les substances chimiques nocives. Les vernis Rouges à ongle sont ainsi formulés à base de 84% de matières premières naturelles et renouvelables. Le végétal – de la canne à sucre, du manioc ou encore du maïs – vient ainsi remplacer la pétrochimie. Une véritable encre naturelle colore nos mains désormais vertes.

Un rouge intemporel rutilant, un orange flamboyant et un rose apaisant viennent composer la première gamme. Une fois leurs extrémités parfaitement laquées, les mains peuvent alors commencer à s’entrelacer, à se disperser pour mieux s’entrechoquer, dans un ballet vivant appelé langue des signes. Toute la communication de la marque repose sur celle-ci, ce qui n’est pas pour  déplaire à nous autres Français, latins d’origine, dont les paroles sont presque toujours accompagnées de mains levées pour accentuer nos propos.

Elise et Louise souhaitent aller encore plus loin, et murmurent déjà l’idée de salons de beauté où l’on ferait chouchouter nos mains par des femmes malentendantes, le tout dans un silence bienheureux. Croisons les doigts pour que ces futurs havres de paix puissent voir le jour…

Crédit photos Le Rouge à ongles