A bien observer les œuvres d’Emilie Bouguereau, la première chose qui frappe nos iris est sa parfaite maîtrise de l’aquarelle. Une technique domestiquée au fil du temps, depuis son premier coup de pinceau à 8 ans seulement. Passé l’émerveillement de cette explosion de couleurs, la candeur envoûtante d’une faune et flore vivant en parfaite harmonie nous plonge dans nos archives rétiniennes pour évoquer le souvenir d’un certain Douanier Rousseau… Portrait.

Après une enfance nomade entre Orléans, Tours et le continent africain à suivre les traces d’un père photographe animalier, Emilie se sédentarise le temps de ses études supérieures en stylisme/modélisme. Son diplôme en poche, la jeune femme entame sa carrière en tant que styliste pour différentes marques de maroquinerie. Mais ce métier n’est pas la seconde peau, confortable et étirable, qu’elle espérait enfiler durant les heures de bureau. Elle finit par se craqueler sous l’effet du temps et de la frustration. Pas assez de dessin à se mettre sous la canine, la famine créative guette la jeune femme, se retournant comme un animal en cage. Alors en proie au doute, Emilie desserre les maxillaires, laisser surgir et agir son cerveau reptilien qui choisit l’illustration comme voie de préservation. Trouver son univers est un jeu d’enfant pour la jeune femme qui n’a qu’à tourner la tête, poser ses yeux sur ses souvenirs d’enfance et les calquer sur papier.

 

Comme première illustration et pour cultiver le caractère sauvage tant recherché par la figure paternelle, Emilie jette son dévolu sur le tigre, roi des animaux d’Asie. On le voit remonter le cours d’un fleuve sans se départir de son allure féline, seul ou ouvrant la voie à ses comparses. Des tortues à l’approche d’une plage refuge pour y déposer leurs œufs, des singes acrobatiques défiant la robustesse de la jungle luxuriante, des zèbres, coureurs infatigables, grues enchevêtrées dans un balai nuptial affriolant, et bien d’autres encore composent l’arche d’Emilie. Son enthousiasme reprend du poil de la bête à mesure que ceux de son pinceau s’adoucissent en plongeant dans un le réservoir d’eau d’un verre qui devient à moitié plein.

L’ennui reste toujours son unique prédateur. Alors, pour l’esquiver, Emilie déborde du seul cadre de l’aquarelle pour décliner ses motifs sur d’autres supports. Elle avance à pas de loup dans le milieu de la porcelaine, une céramique appréciée pour sa blancheur, idéale si l’on souhaite faire ressortir les couleurs. Vases, assiettes et plats se mettent au service de nos tables festives.

Et pour assurer une certaine tenue à tout cela, la jeune femme tisse un fil, nouvelle corde à son arc, dans l’univers du textile. Deux paréos en coton biologique lèvent le voile sur son attrait pour le vêtement, nourri par des collections capsules avec les jeunes maisons Septem et Ika Paris.

 

Elle aurait pu s’arrêter là mais ce n’était pas suffisant pour cette artiste caméléon. Dernière pierre à l’édifice Bouguereau, Luce, un hommage à sa mère, et une façon d’exprimer les gênes maternels tout aussi déterminants. Cet amour commun pour les bijoux et pierres rutilantes trouve une nouvelle fois sa source dans son enfance définitivement étincelante. Des moments suspendus à essayer les bagues et autres trésors de sa mère. Emilie a ainsi revêtu son costume d’exploratrice pour chiner des joyaux d’antan mais aussi son tailleur de dessinatrice pour des créations originales, en or et pierres précieuses : saphirs colorés pour bague arc-en-ciel, diamant solitaire mais extraordinaire, grenats intenses pour anneau bombé de fierté.

 

Emilie Bouguereau, une artiste complète qui n’a pas son pareil pour magnifier une nature généreuse, lumineuse qu’il convient de ne plus griffer de notre empreinte humaine au risque de rompre ce fragile équilibre…

Crédit photos Emilie Bouguereau