Certains portraits vous bouleversent plus que d’autres. Parce qu’ils font écho à votre propre histoire ou tout simplement parce qu’ils sont d’une justesse renversante. Cette semaine, French Marmaille croque le portrait de Judith et Juliette, les fondatrices de la marque de cosmétiques dédiés aux femmes atteintes de cancer, MÊME. Si Octobre rose a pour mérite de mettre en lumière toutes les initiatives liées aux cancers féminins, il est toutefois crucial d’en parler les onze autres mois, car le cancer ne fait jamais de pause. Lumière sur deux femmes lumineuses aux profils sculptés dans la tragédie sans sombrer dans le fatalisme.  

Au commencement, il y a Judith. Bachelière brillante, l’innocence de sa vie d’étudiante vole en éclats lorsque sa mère apprend qu’elle est atteinte d’un cancer du sein en 2007. Face à la maladie, elle décide de se battre corps et âme. Dans ces moments de gravité, sa mère pioche dans des instants de frivolité –maquillage et mode – pour trouver les forces nécessaires dans cette lutte acharnée. Des achats réguliers de vêtements et de cosmétiques pour lui faire oublier, le temps d’un instant, la dureté des traitements et la maladie qui la ronge. Un temps dubitative devant cette frénésie d’achats qu’elle trouve un brin démesurée, Judith comprend finalement toute l’utilité de cette « futilité ». Les traitements s’intensifient, les effets secondaires se font plus agressifs et les produits de beauté adaptés inexistants, au grand désarroi de Judith, impuissante. Malgré son courage et sa force, sa mère succombe en 2010. Une épreuve bouleversante pour Judith, qui retient l’essentiel : dans la maladie, reconquérir une part de féminité altérée par les traitements est vital pour les femmes. 

La vie reprend ses droits mais la jeune femme garde au fond d’elle ce constat déroutant. Judith intègre Strate, une prestigieuse école de design puis quitte l’hexagone direction le soleil californien le temps d’un trimestre à la California State University. Son idée de cosmétiques pour les malades du cancer devient son projet de fin d’études. Accompagnée par ses professeurs et aiguillée par des femmes concernées, Judith affine son idée mais renonce à se lancer seule dans cette aventure. La jeune femme a un autre rêve en tête : entrer chez L’Oréal. Après les études et consciente du chemin à  parcourir, Judith se tourne vers la publicité en cultivant les passages éclairs au sein d’agences. Elle finit par atteindre son graal : L’Oréal lui ouvre ses portes à l’été 2014. En tant qu’assistante chef de produit, Judith rencontre Juliette, qui deviendra, elle ne le sait pas encore, son associée. 

Entre elle et cette diplômée de Sciences Po et d’HEC, passée chez Dior et Ubifrance, c’est le coup de foudre amical. Il lui faudra le temps d’un déjeuner pour dévoiler à Juliette son projet. Un sujet qui trouve un écho particulier auprès de cette dernière, elle-même confrontée à cette maladie dans son cercle proche. Consciente qu’il ne peut y avoir de meilleur alignement des planètes, les deux jeunes femmes sautent le pas pour donner vie à ce projet. Elles n’ont que 24 ans mais l’espoir immense de pouvoir faire quelque chose à leur échelle. 2015 sonne alors le début d’une aventure dans laquelle elles plongent à corps perdus… Une épopée qui a bien failli tourner court. Juliette apprend que sa mère est à son tour atteinte par les pinces de ce « crabe ». Elles auraient pu abandonner et se résigner. Mais au contraire, elles ont trouvé l’élan nécessaire pour donner vie à ce projet qui faisait sens, plus que jamais.

Les deux femmes s’entourent alors d’oncologues, dermatologues, infirmières et malades pour comprendre les besoins. Une rencontre va les faire basculer dans une autre dimension : Laurent Dodet, Pdg de SudCosmetics, est touché par leur initiative et met à disposition ses équipes de recherche et développement. Les mois passent à trouver les bonnes formules qui feront sens. L’équation à résoudre à de multiples inconnues : mettre au point des produits de beauté adaptés aux traitements anti-cancéreux mais hautement désirables et dépourvus de perturbateurs endocriniens et allergènes. La solution au problème est finalement trouvée après un an de savants calculs. En 2016, Judith et Juliette lèvent des fonds, indispensables pour mettre en place l’étude clinique qui viendra certifier leur gamme.

Quelques mois encore et la récompense arrive enfin : la certification de leurs produits doudounes pour faire écran aux soins agressifs mais pourtant essentiels est acquise. Aujourd’hui, MÊME, c’est tout une gamme de soins adaptés pour les ongles, le corps, le visage, mais aussi des vernis à ongles pour faire triompher la féminité sur la fatalité. Une marque qui accompagne en douceur les femmes dans leur douleur.

« Dans nos ténèbres, il n’y a pas une place pour la beauté. Toute la place est pour la beauté »

René Char.

Des mots qui semblent être écrits pour expliquer l’essence de MÊME.

Crédit photos : Même