L’idée de créer vient souvent d’un besoin non comblé, d’une envie non rassasiée. L’adage selon lequel nous ne sommes jamais mieux servis que par nous-mêmes prend dès lors tout son sens. Portrait de Lydia Bahia, fondatrice de la Seine & Moi.

Dès sa tendre enfance, la jeune Lydia promène un œil avisé sur la mode et le vestiaire féminin en particulier. Après la vue vient le toucher : elle ballade ses doigts sur le cuir, tour à tour lisse ou grainé, des vêtements vendus par ses parents. Quelques années plus tard, à l’heure du choix académique, la jeune femme renonce à l’héritage familial, et délaisse le cuir pour la Cour. Elle entame ainsi des études de droit puis de journalisme. En 2014, alors qu’elle arpente tranquillement le cours de sa vie, un sifflement vient bourdonner à son oreille. La culpabilité confessée d’une amie à porter le vison blanc hérité de sa grand-mère. Lydia s’informe sur ce monde qu’elle connaît finalement peu. Ses yeux velours saignent alors devant les vidéos insoutenables de l’association L214, connue pour ses dénonciations choc. Désormais extralucide sur le manque de traçabilité et la maltraitance animale, la jeune femme cherche alors une alternative, en vain. Mais elle ne s’avoue pas vaincue. Elle reprend du poil de la bête et se fait confectionner la fausse fourrure de ses rêves qui viendra réchauffer ses épaules une fois l’hiver durablement installé. C’est enveloppée dans cet écrin de douceur qu’elle part arpenter la ville de New York quelques jours. La grosse pomme est alors croquée par des flocons vivaces. Sous cette tempête de neige, la jeune femme se fait arrêter à chaque coin de rue pour connaître l’origine de son beau pelage. Quelques semaines plus tard, elle part crapahuter dans Londres, toujours parée de sa coquille duveteuse, qui ensorcelle à son tour les anglaises.
Tout doucement, la mode lui refait la cour. Lydia décide alors de prendre le monde de la fourrure à rebrousse-poil et dépoussiérer le genre. De retour dans l’hexagone, la jeune femme, aidée de son père, se met à la recherche des meilleurs façonniers et des plus belles matières qui donneront naissance à ses produits. Cette quête va finalement s’étendre à deux longues années. Au printemps 2016, une première collection de dix pièces voit enfin le jour. Alors qu’il est temps de trouver le nom de cette nouvelle aventure, Lydia observe la Seine qui ondule sous ses yeux et défile sous ses pieds lorsqu’elle enjambe chaque matin la rive droite pour la gauche.
Ce sera La Seine & Moi. Un hommage à cette étendue d’eau qui fait scintiller la ville lumière une fois la nuit tombée, mais aussi, à bien y regarder, un clin d’œil à son homonyme qui a toujours accordé sur son plancher une place de choix à la fourrure et enfin, douce allusion à la chanson d’une interprète paradisiaque, incarnation de la touche française à l’étranger.
Manteaux, pardessus, toques ou manchons, ses fourrures sont entièrement réalisées à la main. Des doigts de fées tissent la matière première en empruntant la même technique que pour la vraie, à la seule différence qu’hermines, renards, lapins et loutres peuvent dormir sur leurs oreilles, l’acrylique est la seule à se faire tirer le poil ! Récompense et reconnaissance ne se font pas attendre : la Seine et Moi reçoit le prix PETA de la meilleure marque de fausse fourrure, joli tremplin pour la jeune femme. Depuis, la presse féminine a mis sur papier glace les chaudes fourrures de Lydia et les clientes arborent fièrement leurs pelages lustrés, reléguant au placard les vraies fourrures de leurs aïeules pour embrasser leurs idéaux. Elles s’aiment comme ça, avec la Seine & Moi.



Crédit photos : La seine et moi