Le savoir-faire en héritage. Parfois, les jeunes générations d’une même famille sont biberonnées de grandes odyssées familiales : celle d’un grand-père italien, parti de sa Sardaigne natale à l’âge de 16 ans qui rencontre, sur le bateau qui le conduit en France, un cordonnier. La légende est alors installée. Portrait de Pauline, fondatrice de Voline, qui, à travers sa marque Voline, a souhaité renouer avec la tradition familiale.

Sa tendre enfance a été placée sous le sceau de l’imagination, de l’invention, et de la création. La jeune Pauline affine alors ses doigts poupons entre peinture, écriture et couture. Quelques années plus tard, ses années académiques sont elles aussi éclectiques : l’étudiante vogue alors entre psychologie, histoire de l’art et modélisme. Qu’importe, cette palette de compétences lui sera d’une haute utilité pour le projet qui sommeille encore en elle. En attendant, la jeune femme trouve le parfait accord en entrant au Grand Palais en tant qu’attachée de presse. Entre deux communiqués, l’ombre de la grande verrière est le berceau idéal de ses rêveries solitaires. Le style Belle Epoque de ce monument magistral est une invitation pour chacun qui s’y presse à l’introspection. Pauline se replonge alors avec délectation dans l’âge d’or familial : un grand-père italien, arrivé dans une France électrisée par les Trente glorieuses, trois générations formées à l’art de la cordonnerie par cet aïeul, et une matière placée sur piédestal.

L’idée de reprendre le flambeau s’installe… La flamme se ravive intensément alors que son frère, Brice, dont l’agilité coule également dans ses doigts, lui dévoile un sac qu’il a confectionné lui-même à partir d’une peau de python. Le charme opère, l’envie est alors trop tortueuse pour l’ignorer davantage. La jeune femme renoue avec les effluves familiales, denses et puissantes, et met du cœur à l’ouvrage : Pauline reprend ses stylos en 2015 et croque quelques modèles, qui prennent vie sous la dextérité de son frère. 

Une ligne de maroquinerie haut de gamme s’impose doucement pour devenir réalité en 2017. Pauline enveloppe son travail de salariée d’une parenthèse. Grâce à un financement Fongecif, (fonds de gestion des congés individuels de formation), elle débute une formation de styliste. Dix mois grisants pour apprendre les ficelles du métier et découvrir les coulisses de la création. La pulpe de ses doigts retrouve avec délice la rugosité du cuir. L’année 2018 est à la fois heureuse et vertigineuse : son précieux diplôme en poche, Pauline plaque définitivement son emploi. Elle entre en couveuse neuf mois supplémentaires pour mettre au monde son projet. Pauline achève ce retour aux sources en appelant cette nouvelle aventure Voline, contraction de son nom et prénom. Deux modèles (Le Merveilleux et l’Effronté) naissent, aux formes radicalement opposées. La rondeur pour l’un, la rectitude pour l’autre, le parfait duo pour donner à voir la dualité de cette matière. Fabriquée dans un atelier en France, après que Pauline ait été acceptée et adoubée par des artisans maroquiniers, la ligne Voline est de haute voltige et le parfait rivet entre les ressources exceptionnelles d’Italie et le savoir-faire à la Française inégalé.

Au printemps 2019, la créatrice lance une campagne de financement participatif. En un peu plus d’un mois, elle récolte les 10 000 euros nécessaires au lancement de sa première production. Elle compte désormais sur le bouche-à-oreilles et ses boutiques éphémères pour parer les femmes de ses prestigieux accessoires. Des projets, la jeune créatrice en a plein son sac : nouvelles couleurs et formes, de la petite maroquinerie, un CAP maroquinerie pour penser au mieux la fabrication, car « rien ne prédispose plus au conformisme que le manque de formation » avait coutume de dire le philosophe Gustave Thibon.

On pourrait rajouter à cela que rien n’est plus recherchée par une femme que d’être à la fois effrontée et merveilleuse…

Crédit photos : Voline. Un grand merci à Pauline !